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Offensive du Têt au Viet Nam et l’assaut des palestiniens de Gaza

mardi 17 octobre 2023 par Philippe Arnaud

Tous les médias, évoquant l’actuelle guerre de Gaza, présentent comme imminente une attaque terrestre de l’armée israélienne sur le nord de la bande de Gaza. Cette attaque serait destinée à "décapiter", à "éliminer" ou à "éradiquer" le Hamas. (Pour autant qu’il soit possible de faire disparaître un mouvement politique - surtout dans le cadre d’une guerre de libération nationale...). Pour le moment, cette attaque, qui était censée débuter le dimanche 15 octobre, n’a pas encore eu lieu.

La situation, toutefois, en rappelle d’autres, notamment l’une d’entre elles, qui remonte à plus de 55 ans : il s’agit de la série de batailles qui s’insérèrent dans l’offensive du Têt, au cours de la guerre du Vietnam - dans la première phase de cette offensive, en gros de la fin janvier à la fin mars 1968.

1.
Le 30 janvier 1968, le FLN sud-vietnamien, à la surprise totale de états-majors américain et sud-vietnamien, attaqua simultanément une centaine de chefs-lieux locaux et de bases américaines. Le 7 octobre, le Hamas, après avoir défoncé la "barrière de sécurité" érigée par les Israéliens autour de la bande de Gaza, attaquent au moins sept localités israéliennes, des postes de police, des chars israéliens isolés plusieurs kibboutz et une rave-party (massacrant au passage des centaines de civils, hommes, femmes, enfants et vieillards). En même temps, le Hamas expédia plusieurs milliers de roquettes, saturant le système de défense aérienne israélien, connu sous le nom de "Dôme de fer".

2.
En 1968, les Américains étaient obsédés par le sort de la base de Khe Sanh, située à proximité du 17e parallèle, qui marquait la limite entre le Nord-Vietnam communiste, et le Sud-Vietnam, inféodé aux Américains. Pour les Américains, cette base avait la même importance symbolique qu’avait celle de Dien Bien Phu pour les Français, en 1954. Ils craignaient que sa perte ne marquât le début de leur défaite au Vietnam (comme la chute de Dien Bien Phu avait marqué la défaite française).
Aussi y avaient-ils concentré toute leur attention : d’où leur désarroi lorsque les Vietnamiens, au lieu de s’en prendre à cet unique point, en attaquèrent simultanément une centaine d’autres - moins importants stratégiquement, mais situés sur tout le territoire sud-vietnamien. De même, avant le 7 octobre, toute l’attention des services de sécurité israéliens était-elle concentrée sur la Cisjordanie, où ils attendaient des manifestations et des révoltes des Palestiniens.

3.
Une attaque terrestre contre la bande de Gaza, avec sa densité énorme de population, avec ses habitations serrées et enchevêtrées, avec son réseau de souterrains, où le Hamas a eu le temps de se préparer à la guérilla urbaine depuis des années, se traduirait inévitablement par un difficile combat de rues pour l’armée israélienne, et aussi par d’énormes pertes civiles (et des pertes sensibles pour les Israéliens).
Cela rappelle un épisode de cette offensive du Têt, la bataille de la citadelle de Hué, où les forces du FLN, qui finirent par être vaincues, tinrent tout de même un mois - après avoir (ressemblance avec les massacres de ces derniers jours du Hamas) tué de 2000 à 3000 membres de familles de fonctionnaires et cadres sud-vietnamiens.

4.
La résistance de plus d’un mois (tout le mois de février) des combattants du FLN (en particulier à Hué), en dépit de leur défaite finale - eut un effet dévastateur aux États-Unis. En effet, en dépit des grandes opérations terrestres (Cedar Falls, Junction Citty, Attleboro...) de 1966 et 1967, en dépit des bombardements aériens sur le Nord-Vietnam (un peu le pendant des périodiques raids aériens israéliens sur le Liban, la Syrie, l’Irak, voire - en 1985 - la Tunisie), les Américains se rendirent compte, amèrement, que la résistance sud-vietnamienne n’avait rien perdu de son mordant. Ce qui devait amener le président Johnson à jeter l’éponge et à ne pas se représenter à la présidentielle de 1968.

5.
L’effet produit par des pertes civiles importantes peut être dévastateur pour le belligérant à l’origine de ces pertes (même si, sur le moment, il est vainqueur). Par exemple, le 20 mai 1631, les troupes de la Ligue catholique (au service de l’Empereur Ferdinand II), après avoir pris la ville protestante de Magdebourg, y tuèrent 25 000 personnes sur les 30 000 habitants. Ce massacre inouï galvanisa les protestants et amena notamment les premières victoires protestantes sur le camp catholique, à Breitenfeld, Rain am Lech, Lützen - qui, marquèrent un des tournants de la guerre, jusqu’aux traités de Westphalie de 1648, où le camp catholique dut bien en rabattre.
De même, lors de la guerre d’Espagne de Napoléon, le siège de Saragosse par l’armée française, en 1809, se traduisit, certes, par la prise de la ville - mais aussi par 50 000 morts espagnols - ce qui ne manqua pas de renforcer le caractère atroce de la guérilla - et des représailles françaises - jusqu’à la défaite finale de la France, en 1814. Peut-être les généraux américains qui recommandent aux Israéliens de ne pas entrer dans Gaza (et qui ont suivi des études d’histoire militaire) ont-ils des exemples de ce type en tête...

6.
Et c’est sans doute une constatation de ce type qui fait titrer au Point, sur son site : "Le conflit ouvert le 7 octobre par les islamistes du Hamas isole un peu plus les démocraties libérales occidentales." Le Point opère d’ailleurs un rapprochement significatif avec la guerre d’Ukraine en relevant, avec découragement, que les pays d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie, qui non seulement n’ont pas condamné l’attaque du Hamas, mais, au mieux, n’en ont rien dit, et "au pire" - au "pire" du point de vue du Point - ont pris parti pour le Hamas, sont les mêmes qui n’ont pas condamné l’attaque de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, mais se sont rangés du côté de la Russie.
Et que ceux qui sont pour Israël (comme pour l’Ukraine dans l’autre guerre) sont les mêmes : les États-Unis et leurs supplétifs (quelques pays d’Europe occidentale, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande), ce que les médias "mainstream" baptisent, avec arrogance - et un rien pompeusement - la "communauté internationale".

7. Avant de finir, attardons-nous sur ce titre du Point, qui est révélateur de son idéologie : "Le conflit ouvert le 7 octobre par les islamistes du Hamas". Comme si, avant le 7 octobre, la région était en paix ! Comme si les colonies israéliennes n’étendaient pas leurs métastases en Cisjordanie ! Comme s’il n’y avait pas un apartheid de fait à l’égard des Arabes israéliens et des Palestiniens ! Comme si Gaza n’était pas soumis à un blocus de fer depuis des décennies !
Comme si l’eau de la Cisjordanie n’était pas vampirisée par les colons ! Comme si l’aviation israélienne ne s’arrogeait pas le droit de bombarder ses voisins à discrétion ! Comme si, depuis plus de 50 ans, Israël ne violait pas toutes les résolutions de l’ONU concernant la Palestine ! Quant aux "démocraties libérales", n’était-ce pas, au singulier, le nom du parti ultralibéral et pro-Américain fondé par les sieurs Madelin, Longuet, Novelli, Devedjian, d’Orcival et consorts, anciens du groupuscule d’extrême-droite Occident ?

   

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