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La Troisième guerre mondiale aura-t-elle lieu ?

vendredi 28 juillet 2023 par ANC

C’est toujours avec grand intérêt et depuis longtemps (voir la rubrique Liban sur www.rougemidi.org) que nous lisons et faisons partager les écrits de Marie Nassif-Debs [1]

La troisième guerre mondiale aura-t-elle lieu entre les sept grandes puissances capitalistes, et avec eux les cartels des armes en première ligne, et les Etats du BRICS qui deviennent de plus en plus forts sous l’égide du tandem Chine-Russie ?

Les analyses, articles et interviews sur ce point abondent depuis quelques mois, surtout parmi les dirigeants politiques et les experts financiers aux Etats-Unis qui voient leur pays s’enfoncer dans une double crise aiguë, économique et financière, due à l’augmentation effrayante de la dette publique de l’Etat à un point tel qu’il n’est plus possible de recourir, comme avant, à des solutions de rapiéçage, dont, en particulier, l’impression de grandes quantités de dollars ou encore les taux de change et les intérêts… Surtout que la part des secteurs productifs est en régression face à l’économie de rente. Cette économie, qui constitue, aujourd’hui, le principal facteur de la crise systémique du capitalisme, ne peut qu’aboutir à son implosion. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à le proclamer ; déjà, des économistes éminents, tel que Paul Kennedy, l’avaient prédit il y a de cela quelques décennies [2], et aujourd’hui encore d’autres économistes, tel que Michael Hudson [3], reprennent la même idée, se basant dans leurs analyses sur le sort des deux empires de l’antiquité gréco-romaine qui se sont effondrées parce que leur économie n’avait pas pu faire face à la rapidité de l’augmentation des taux de la dette publique qui, d’après Aristote (qu’ils citent), avait abouti à « la domination des usuriers-créanciers qui, en obtenant de plus en plus d’argent, sont parvenus à la transformation du système démocratique en une oligarchie héréditaire » ; Et – citation reprise par Hudson - d’ajouter : « Ainsi naissent les aristocraties »…

Kissinger, Trump et Rickards : la guerre mondiale, les USA et le nouveau régime mondialisé

Ce qui attire, donc, l’attention depuis la fin de la pandémie du Covid 19, c’est l’abondance des théories et analyses concernant l’effondrement du système capitaliste actuel, caractérisé par son néo-libéralisme sauvage [4] ; et qui dit effondrement doit ajouter que nous devons nous attendre à subir « la troisième guerre mondiale ».

Ainsi parla Henry Kissinger, l’actuel centenaire qui avait supervisé le coup d’Etat sanglant au Chili et la guerre destructrice au Vietnam, sans oublier sa théorie de la « politique du plan par petits pas » qui fut à la base du refus israélo- étasunien de reconnaitre les droits du peuple palestinien conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies (particulièrement la résolution 194).

En effet, dans l’interview accordée à la revue britannique « The Economist » au début du mois de juin passé, il dit : « Nous sommes aujourd’hui dans la situation classique d’avant la Première guerre mondiale, où aucune des parties ne dispose d’une grande marge de concession politique et où toute perturbation de l’équilibre peut avoir des conséquences catastrophiques », ajoutant que la différence avec cette époque est que, dans le conflit actuel, « nous sommes dans une situation de destruction mutuelle assurée ».

Quant à la solution qu’il préconise pour éviter la destruction, elle consiste à essayer de séparer la République populaire de Chine de la Russie, en préconisant des négociations sur deux points : Taiwan et l’intelligence artificielle qui, selon lui « deviendra un élément majeur du domaine de la sécurité d’ici cinq ans ». D’ailleurs, pour lui, la Chine « ne cherche pas à dominer le monde au sens hitlérien du terme. Ce n’est pas ainsi qu’ils pensent ou n’ont jamais pensé l’ordre mondial », et, par suite, « Il n’est pas dans notre intérêt de conduire la Chine à la dissolution », mais d’œuvrer à une solution pacifique pour Taiwan.

Par contre, Kissinger crie haro sur la Russie, voyant dans son invasion de l’Ukraine « une erreur de jugement catastrophique »  ; il va même jusqu’à blâmer les grandes puissances occidentales parce qu’elles ont laissé ouverte la décision de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Pour lui la solution consiste, d’une part, à faire adhérer l’Ukraine afin « de la protéger », et, d’autre part, à ce que l’Europe agisse dans le sens d’engager la Russie à créer une frontière orientale stable, ce qui veut dire en clair que les puissances capitalistes occidentales encercleront la Russie et que cette dernière doit accepter l’encerclement.

Mais Kissinger n’est pas le seul oiseau de mauvais augure. En effet, et en plus de l’administration Biden et des responsables de l’OTAN, l’ex Conseiller de la CIA James Rickards [5] a, lui aussi, voulu donner l’alerte, insinuant que les Etats BRICS, en parlant de la création de leur propre monnaie, préparent la chute du dollar, ce qui, d’après lui, pourra aboutir à « une vague géopolitique à laquelle le monde n’est pas préparé (…) et qui touchera d’une manière dramatique et inattendue le commerce mondial, les investissements directs étrangers ainsi que les portfolios des investisseurs ». Mais, contrairement à Kissinger, James Rickards conseille l’administration étasunienne de ne plus utiliser les sanctions en matière de politique et d’économie, parce que cette politique « n’a fait qu’augmenter la peur de beaucoup d’Etats qui veulent en finir (aujourd’hui) avec le dollar » et dont certains ont exprimé leur volonté d’adhérer aux BRICS.

Enfin, n’oublions pas de noter les déclarations répétées de l’ex président des Etats-Unis Donald Trump [6], depuis le début de l’année, et dont la dernière sonne l’alarme sur le fait que son pays se dirige vers « l’enfer », parce que la confiance dans le dollar est au plus bas, ce qui – pour Trump – pourrait aboutir à une catastrophe si la monnaie nationale étasunienne cessait d’être la monnaie-étalon… Il ajoute que la Troisième guerre mondiale n’a jamais été aussi proche qu’aujourd’hui, parce que les Républicains sont des va-t-en guerre.

Le 22 août : un tournant politique ?

Pourquoi cette escalade verbale ?
Nous pensons que toutes les déclarations concernant la guerre et la situation de l’économie internationale en relation avec les menaces qui pèsent sur le dollar et son hégémonie menacée sont en rapport direct, non seulement les résultats de la guerre en Ukraine, mais aussi, mais surtout avec l’approche du sommet des BRICS qui va débattre, le 22 août prochain, de deux points essentiels à son ordre du jour :

- Le premier concerne la création d’une nouvelle monnaie d’échange sur le plan international, surtout que la Chine, la Russie et le Brésil ont commencé à utiliser le rouble ou le yuan en tant que monnaie d’échange dans leurs échanges commerciaux et que d’autres Etats, tels que les Emirats Arabes Unis, ont déjà accepté d’être payés en yuan contre les produits pétroliers vendus à la Chine et aussi d’utiliser la monnaie chinoise pour les produits manufacturés achetés à Pékin.

- Le second se rapporte à l’étude de dix-neuf demandes d’adhésion nouvelles aux BRICS, dont, en plus de l’Iran, quatre pays arabes pétroliers : l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn et l’Algérie… Sans oublier d’autres Etats, considérés comme tournant dans l’orbite des Etats-Unis et qui craignent d’être, un jour, les nouvelles victimes de la politique de sanctions. Et, c’est cette ruée vers de nouvelles alliances économiques et financières qui fait peur aux ex responsables étasuniens, parce qu’alors les BRICS constitueront une force humaine, géographique, économique et militaire très importante, surtout dans la région de l’Asie du Nord-est où l’alliance Chine-Russie est déjà un point de polarisation majeur.

L’équilibre perdu et les changements majeurs

Ce tournant qui se profile nous pousse à nous arrêter pour étudier, rapidement, les changements survenus depuis l’année 1990, qui vit la chute de l’Union soviétique, et jusqu’à nos jours.

La première question qui nous vient à l’esprit est : cette période, caractérisée par le règne unilatéral des USA, avec la participation du G7 et de l’OTAN, sur le sort du monde est-elle près de se terminer ?

Oui, si nous prenons en considération la situation actuelle des grandes puissances capitalistes, toujours empêtrées dans les conséquences de la crise systémiques survenue en 2008, mais aussi les pronostics de la Banque mondiale pour le quinquennat à venir [7].

Les données avancées par la Banque mondiale montrent que la part du G7 dans l’économie mondiale a beaucoup diminué, puisqu’elle est descendue de 45,8% en 1992) à 29,9% (en 2022) [8] ; et il est probable que cette part dégringolera encore plus pour atteindre 27,8% en 2028. Par contre, la part du groupe des BRICS pour la même période est passée de 16,4% à 32,1%, et les pronostics parlent de 33,7% pour l’année 2028.

Bien entendu, la Banque mondiale a omis de parler des répercussions de la crise de 2008 tant sur les économies du G7 que sur l’économie mondiale… Cependant, il n’est pas nécessaire de préciser le rôle joué par cette banque dans la propagande faite aux politiques étasuniennes. De toute façon, nous attirons l’attention sur cette nouvelle situation afin de montrer la nécessité de suivre, d’une part, les changements qui vont s’accélérant et d’anticiper, d’autre part, ce qui résulterait de l’entrée des dix-neuf nouveaux pays dans le groupe BRICS et la transformation de ce groupe en une immense force économique comme le monde n’en a jamais vu auparavant.

Cependant, il nous faut dire que la sortie de la Planète de l’influence étasunienne, qui a duré plus de trente ans, ne veut pas dire que les problèmes posés vont trouver leur solution dans le bipolarisme sous sa forme actuelle.

Pourquoi ? Parce que les choix promulgués par les BRICS sur le développement d’un nouveau régime mondial ne sont pas très clairs, sauf peut-être en ce qui concerne la part d’indépendance que ces Etats conjugués veulent avoir face aux Etats-Unis et à la volonté de Washington de toujours continuer à dominer le monde.

Et les questions sont nombreuses sur ce plan : Quelles seraient les directives socio-économiques que le nouveau pôle voudrait appliquer ? Va-t-il mettre l’accent sur le développement économique et sur un meilleur partage des ressources que la terre recèle ? Quelles solution préconise-t-il pour éradiquer la pauvreté, la faim et les pandémies ? Comment gèrerait-il les problèmes posés par l’intelligence artificielle ? Y aurait-il une démocratie participative sur le plan du régime mondial, et l’ONU, serait-elle renouvelée afin de pouvoir, enfin, jouer un rôle dans la solution des problèmes qui se sont accumulés à cause de la mauvaise gouvernance capitaliste ?

D’aucuns diront que la Chine peut jouer le rôle de garant ; cependant, tout en misant sur la réussite du socialisme en Chine, il nous faut avouer que l’expérience n’est pas concluante, vu les difficultés et les contradictions que le régime chinois lui-même dénonce, surtout sur le plan du développement inégal entre les villes et les campagnes ou, encore, concernant le développement des secteurs productifs ou sur l’extension des libertés essentielles.

Ce qui nous amène à craindre pour la paix et le progrès dans le monde, mais aussi à appeler à une nouvelle Internationale des peuples, surtout ceux du Sud de la Planète, qui garantirait la paix et la prospérité.

Premier juillet 2023
(Cet article est basé sur un autre article, en arabe, que j’ai écrit pour la revue palestinienne « Al Hadaf » et qui a été publié le premier juillet 2023).


[1Ex Coordinatrice générale du « Forum de la Gauche arabe »
Ex Secrétaire Générale adjointe du PCL.

[2Kennedy, Paul, Naissance et déclin des grandes puissances, 1989.

[3Hudson, Michael, L’Effondrement de l’Antiquité : la Grèce et Rome comme tournant oligarchique de la civilisation, 2023

[4Tandis que le quart de l’humanité se trouve dans la pauvreté et que beaucoup ne mangent pas à leur faim, la richesse des milliardaires du monde a augmenté de 3,9 milliards de dollars entre le 18 mars et le 31 décembre 2020. Leur richesse totale s’élevait alors à 11,95 milliards de dollars, soit une augmentation de 50 % en seulement 9,5 mois. Entre avril et juillet 2020, lors des premiers confinements, la richesse détenue par ces milliardaires est passée de 8 000 milliards de dollars à plus de 10 000 milliards de dollars.

[5Article paru dans la revue « Daily Reckoning » il y a trois mois.

[6Déclarations faites en janvier, février, mars, avril et juin 2023 (cf. les médias internationaux, tels que BFMTV, le Journal de Montréal, Truth Social, ).

[7Banque mondiale, Rapport sur le développement des économies des puissances du G7 durant les 30 ans passés, avril 2023.

[8alors qu’à l’intérieur du G7 la part de l’économie US a augmenté NDR

   

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